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Lettre à Jacques Delanchy

       Savez-vous qui accompagnait la messe ce matin ? Posez la question à la sortie de la messe et la plupart des paroissiens vous regarderont étonnés; certains peut-être vous diront Jacques, Armel, Guenaël, Annick, les autres en toute bonne foi vous diront n'en avoir aucune idée. C'est tellement normal que la messe chantée soit accompagnée tout comme la présence de l'animateur, du curé.

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    Ah ! Mais qu'un jour seulement l'un d'eux vint à faire défaut et tout est désorganinisé et ce qui était réglé comme du papier à musique devient alors chaotique; l'assemblée s'en offusque et les remarques vont bon train;  pas d'organiste à la messe, c'est impensable !

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   Organiste liturgique, seul, souvent vous l'êtes, aux commandes de votre cokpit tel un commandement de bord à la tête de son vaisseau, coordonnant manettes, tirettes, jeux, claviers, pédaliers, tirasses, accouplements, programmateur, transpositeur, vos doigts courant sur les claviers, les pieds dansant sur le pédalier, les yeux sur ces partitions mystérieuses que le néophyte - s'il a la curiosité d'y jeter un oeil - devant tant de hiéroglyphes se demande " mais quel est le cerveau d'un organiste ?"

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   L'orgue de choeur permet au mieux de vous voir de dos, dans le transept ni vu ni connu, mais à la tribune

y-a-t-il vraiment quelqu'un là-haut qui joue ou tout simplement un ange envoyé du Ciel par Sainte-Cécile ?

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   Déjà 20 ans, Jacques que bénévolement vous assurez plusieurs messes le dimanche, les obsèques, mariages et que vous accompagnez dans tous les sens du terme les évènements petits ou grands de la vie des paroissiens.

   Arrivé bien avant pour répéter avec l'animateur, bénévole lui aussi et stressé à l'idée de ne pas bien démarrer, de ne pas prendre la bonne note, de chanter faux, de ne pas bien diriger l'assemblée, il vous faut le rassurer. Tout roule, tout va bien, c'est normal, mais une note de départ trop haute et voilà l'animateur parti dans des stratosphères musicales inconnues du registre de sa voix, panique à bord; une introduction mal entendue et le voilà parti sur des chemins de traverses et il faudra toute votre habilité pour ramener la brebis égagée sur le bon chemin ! Une fois la messe terminée : Ite Missa es ! Bénédiction et Allez en paix ! Que nenni ! Ce dernier ne manquera pas de vous faire savoir ses difficutés et sa mauvaise humeur et vous en porterez la responsabilité...

   Mais votre caractère bien trempé remettra à sa place ce malheureux qui ne connaît rien à votre art ! Vous rangerez alors vos partitions dans votre serviette en cuir et vous repartirez comme vous êtes arivé dans l'indifférence générale.

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  Ah, Jacques - autodidacte - quels dons vous avez ! Votre grand talent d'improvisateur vous embarque dans un accompagnement toujours différent, souvent intéressant qui fait que votre jeu n'est jamais répétitif et là encore, l'animateur qui aime être rassuré se sent alors comme un équilibriste sur le fil du rasoir sans filet de sécurité !

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   Souvent les chants de l'assemblés sont trop lents ou ennuyeux, pian' pian' et votre tempérament fougueux renâcle, je le sens bien; vous avez bien du mal à contenir les chevaux fougueux de votre équipage. Vous êtes drôle souvent dans vos solos - si on voulait bien y prêter une oreille un peu plus attentive, s'échapper de la morosité musicale ambiante qui nous guette - votre rythmique devient alors alerte, dansante et pour peu que l'on vous laisse le temps, vous basculeriez vite dans le jazzy, la variété ou le cabaret; est-ce gênant à l'église ? Non certes ! Un peu de fantaisie et d'humour donne vie à la messe qui pourrait devenir vite routinière. Je suis certaine que Dieu, - là-haut - qui est forcément musicien, doit sourire de vos facéties et doit capter mieux que personne toutes ses qualités de finesses, drôleries, petites bouffées d'oxygènes que vous envoyez ni vu ni connu sous les voutes de Saint Saturnin !

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  Jacques, nous vous regretterons, c'est sûr! Et votre départ nous met dans l'embarras; trop souvent nous n'avons pas compris et maintenant qu'il nous faut combler au mieux votre absence, nous mesurons combien votre présence à l'orgue fut précieuse pour notre Paroisse; il nous sera difficile de vous remplacer.

Aussi, nous vous remercions du fond du coeur, pour tant d'années passées dans l'ombre de l'accompagnement liturgique; nous vous souhaitons bon vent; les paroissiens qui vous accueilleront là où vous continurez votre chemin, auront bien de la chance!

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A.L. le 16/08/2014 à Sarzeau

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Hélas, Jacques Delanchy - né à Paris le 19 décembre 1935 - est décédé à Amboise le 26 mai 2017. â€‹

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